Extrait du blog d’ Olivier Rollot, ancien journaliste au Monde Education.
Faire une prépa: cela en vaut-il encore la peine?
Aujourd’hui pour entrer dans une grande école, vaut-il mieux bachoter comme un fou pendant deux ans en prépas (56 heures de travail par semaine en moyenne!) ou prendre un peu plus son temps dans des filières moins chronophages (39 heures de travail en IUT, 32 à l’université selon l’étude annuelle de l’Observatoire de la vie étudiante (OVE ) ? Après tout, les élèves issus de licences, de DUT ou de BTS sont accueillis à bras ouverts dans des grandes écoles de commerce et d’ingénieurs en mal de candidats et y réussissent aussi bien que les élèves de prépas.
A l’ESC Grenoble – où les admissions parallèles représentent 40% des effectifs –, on constate même que le major de promo est une année sur deux issu de cette filière. Et des exemples comme celui-là il y en a des dizaines. Il n’y en fait guère que dans les «très grandes», les Polytechnique, HEC, Centrale ou Normale Sup qui se refusent aux bac+2 tout en admettant largement des élèves de licences et de masters. Sans parler d’écoles post-bac, comme les Insa pour les ingénieurs ou l’Ieseg pour les écoles de commerce, qui se classent aujourd’hui très près des meilleures écoles post-prépas en termes d’insertion professionnelle.
Un début de désaffection?
Tout cela est un peu frustrant pour un élève de prépa qui a bossé deux ou trois ans comme un fou et se retrouve en concurrence avec d’autres qui ont eu des années disons plus cool. Le nombre d’élèves ayant mis les prépas en tête de leurs choix sur admission-postbac a d’ailleurs baissé de 5% en 2010 par rapport à 2009. La baisse est particulièrement importante dans les prépas économique et commerciale (-8,9%), moins pour les prépas scientifiques (-4,3%). Seules les prépas littéraires progressent avec +2,3%.
Même si, en définitive, la baisse d’effectifs a été finalement quasi nulle (0,5% soit 400 inscrits), ce chiffre n’en est pas moins significatif après des années de croissance qui ont vu les effectifs augmenter de plus de 10000 élèves (+13,8%) en dix ans. Quant aux candidatures aux concours des écoles de commerce post prépas, elles sont en baisse de 1,77% cette année pour le concours de la BCE et stables pour Ecricome.
Pourquoi faire une prépa?
Le sujet des prépas revient constamment dans les entretiens que j’ai réalisés et que vous pouvez lire en intégralité – si vous êtes abonné – sur lemonde.fr en cliquant sur le nom des personnes interrogées :
– Pascal Morand, le directeur général d’ESCP Europe, l’une des toutes meilleures écoles de commerce, recrute autant d’élèves issus de prépas que d’autres formations. Il m’expliquait: «Les prépas sont un moyen privilégié de travailler intensément sur des matières distinctes en un temps limité. Et aujourd’hui c’est comme cela qu’il faut travailler dans les entreprises. Même si les prépas ne sont pas pour autant le seul moyen d’y parvenir.» Un melting pot porteur !
– Hervé Biausser, directeur de Centrale Paris, préfère recruter très majoritairement des élèves de prépas qui y ont «acquis une grande puissance de travail, la capacité à résoudre les problèmes et une habilité conceptuelle».
– Et Joël Vallat, proviseur du lycée Louis-Le-Grand à Paris d’insister: «A Normale Sup Lettres Paris, Louis-Le-Grand a 30 % des reçus, le lycée Henri IV un autre 30 % et tous les autres lycées de France se partagent les 40 % restants. A l’Ecole Polytechnique (X), sur 400 places environ, nos élèves en occupent 110 ou 120 les bonnes années, 85 les moins bonnes, en moyenne un quart. Et quant aux littéraires, s’il y a peu de places dans les écoles normales supérieures, ils seront les plus à même d’intégrer les meilleurs cursus universitaires et réussir l’agrégation s ‘ils veulent devenir professeurs. Cela vaut la peine de s’imposer des privations pendant quelques années.»
Travaille-t-on trop en prépa ?
Justement le débat se centre aussi régulièrement sur l’investissement intensif que les prépas demandent à leurs élèves. « Si les prépas développent un haut niveau de compétence intellectuelle, elles présentent aussi des défauts », me disait l’un des plus farouches adversaires des prépas, Richard Descoings, l’emblématique patron de Sciences Po Paris, en les listant ainsi: « Le premier étant de faire porter la réussite de toute une vie sur la réussite entre 17 et 20 ans. Je pense qu’à cet âge le mieux à faire n’est pas forcément de travailler 18 heures par jour et sept jours sur sept. Le tout avec le stress de savoir si on passera en deuxième année et ensuite si on aura Polytechnique, les Mines ou HEC. Est-ce un idéal éducatif ? C’est sûrement un idéal professionnel mais éducatif ? »
Joël Vallat veut lui «casser cette image de bagne. Nos élèves travaillent beaucoup, beaucoup plus qu’en terminale, mais ils font aussi de la musique – nous avons même un orchestre -, ou jouent des pièces de théâtre qu’ils ont même parfois écrit. Et ils travaillent ensemble. Leurs concurrents ce sont les élèves des autres prépas, pas leurs camarades avec lesquels ils savent avoir tout intérêt à s’entraider. Ici on peut voir des élèves ensemble dans une classe le soir pour préparer un devoir sur table le lendemain. Il y a une forte émulation, pas de concurrence. Résultat : nos anciens élèves nous disent garder de meilleurs souvenirs de leur prépa que de la grande école qu’ils ont intégrée ensuite.»
Bref, Olivier Rollot nous donne une vision des différents aspects des classes prépas, ce qui ne vous aidera pas forcément à faire votre choix : alors, classe prépa ou pas ?
Si nous décodons un peu le discours précédent, nous pouvons vous donner quelques conseils :
– une classe prépa vous « formate » pour une vie professionnelle ambitieuse, en vous préparant à travailler beaucoup et de manière très efficace. Cet argument fait mouche auprès des DRH et des patrons, et il serait illusoire de croire qu’en France on ne fait pas la différence entre les prépas et les autres formations ; mais c’est vrai que cela est au détriment d’une jeunesse décontractée et insouciante, partagée entre un travail scolaire normal et des loisirs assez présents. Il faut donc vous demander ce que vous êtes prêt(e) à donner… en temps et en qualité de travail.
– Les prépas économiques sont moins indispensables que les autres pour obtenir un boulot identique, sauf si vous visez les très grandes écoles, qui restent attachées à la sélection de véritables prépas. Là, c’est une affaire d’ambition, et c’est à vous de placer le curseur, sans qu’il soit honteux d’afficher une ambition « normale »…
– Si vous envisagez des études d’ingénieurs, la prépa reste le modèle dominant, et même si les besoins en ingénieurs sont très importants, votre carrière ne sera pas la même avec ou sans prépa ; là encore, à vous de placer le curseur en fonction de vos ambitions, et de vos envies de carrière. Et puis, vous n’êtes pas obligé(e) de viser les prépas étoilées, et il existe suffisamment de spécialités pour trouver chaussure à votre pied !
– Pour les études littéraires, la prépa est pratiquement obligée, car le bac littéraire a été tellement dévalorisé que seule la prépa permet de donner un éclat particulier à vos études, sauf si vous visez le doctorat, qui conduit à des types de carrière très spécifiques.
Donc, ce choix vous appartient, et il est fonction de votre projet de vie (carrière + vie personnelle), de votre capacité de travail et de réflexion, et de la stratégie scolaire que vous aurez choisie avec beaucoup de soin !
Discutez avec vos professeurs, rencontrez d’autres jeunes qui se sont lancés dans la prépa, et sondez-vous avec lucidité, tout en ayant confiance en vos capacités ; ne laissez pas les autres décider pour vous, et faites votre choix suffisamment tôt pour bien vous préparer !
Lien : http://orientation.blog.lemonde.fr/2011/05/04/faire-une-prepa-cela-en-vaut-il-encore-la-peine/
L’équipe ATOUT SUP